L'art est histoire. La peinture au présent prend en charge son historicité. Elle doit se souvenir et parcourir le territoire de la mémoire. Cette dimension mémorialiste s'exprime dans le retour en force des mythes, ces histoires nées avant l'Histoire. Alors, l'art incarne et reconduit. A partir d'artistes mythiques, ceux dont les destins intimes et artistiques sont amplifiés par l'imaginaire collectif, je construis ma réflexion plastique. Grâce au marouflage, j'introduis des documents iconographiques de leurs œuvres et j'engage une « conversation » entre ces dernières et mes dessins, mes gravures, mes monotypes, mes aplats colorés à l'huile.

Affirmer la mise en valeur d'un corps mythologique (celui de l'artiste choisi), affirmer la singularité radicale du corps en général (énoncé princeps de mes recherches), affirmer le caractère unique de l'artiste, voici l'enjeu de cette transsubstantiation. Mon travail engage les notions de surgissement et d'héritage. Surgissement car mes peintures supposent l'apparition. Héritage parce que cette propension à apparaître ne saurait venir à jour sans dépendre d'un passé : le mien mêlé à celui de l'histoire de l'art. Il émane alors un temps pictural fait de tous les temps proches ou lointains, temps individuels ou collectifs, temps ajoutés les uns aux autres, combinés, sédimentés pour nourrir la narration, les récits et entretenir la légende.

Grâce à ce dispositif plastique et sémantique, loin d'accomplir le destin classique de l'art comme représentation et mimesis, mon œuvre porte un désir d'autonomie et tente de s'accomplir comme auto-écriture. Toutes ces figures mythiques, ces allusions à une iconographie référentielle cherchent à distraire le « regardeur » et lui rappeler que la peinture implique autre chose que le simple fait d'être vue : une quête, une légende, celle du « tableau mythique » qui impliquerait tous les autres.

Note d'intention Lucile Travert